Une éducation libertine, enfin un roman français lisible

Entre C. Millet et C. Angot, cette rentrée littéraire n'était pas pour me pousser à lire de la littérature française quand je suis tombée sur l'excellente émission de Busnel  (La grande librairie sur France 5) où un jeune homme malhabile parlait de son premier roman, Une éducation libertine aux  Ed. Gallimard.

Depuis j'ai pu savourer l'opus et partager l'ascension de Gaspard, venu de sa campagne quimpéroise pour conquérir Paris et le voir se débattre dans la fange de la capitale, user de subterfuges souvent fallacieux pour exister comme individu et vivre un instant de gloire éphémère parmi la grande noblesse du XVIIIe siècle.

Si l'intrigue n'a rien de révolutionnaire (mauvais jeu de mot j'en conviens !), l'écriture, elle est superbe. Loin des phrases avec verbes/ compléments et vocabulaire sommaire, Jean-Baptiste Del Amo (c'est l'auteur de 26 ans!) use et abuse parfois des descriptions des humeurs, des sécrétions de la capitale, de la boue, de la crasse et de l'extrême déchéance de la plèbe alors jugée normale.

D'abord employé sur la Seine comme travailleur de force charriant des grumes, il rencontre par hasard un maître perruquier qui , sensible à ces charmes, le prendra comme apprenti. Là une clientèle aisée le remarquera et un libertin, comte de son état, se charge alors de son éducation sociale et l'entraîne dans ces virées nocturnes assez inconvenantes. Suivront ensuite désillusions et réussite sociale au prix fort ( prostitution masculine, déni de son corps et mépris de soi allant jusqu'à la mutilation pour se retrouver !).

Tout cela pour dire que même si le livre souffre parfois de longueurs, il est rare de lire d'aussi belles phrases. J'ai été obligée de compulser mon dictionnaire plusieurs fois, c'est pour dire que le vocabulaire est recherché voire précieux. Ce n'est pas Huysmans mais quand même !

A lire surtout pour ceux qui ont aimé Le Parfum de Süskind pour les descriptions olfactives omniprésentes au fil des pages. Les odeurs sont tellement  réalistes que bien souvent, j'ai été obligée de prendre ma respiration pour éviter la nausée....